Vive la grève



Pour Le Monde, j’ai suivi un jour de mobilisation contre la réforme des retraites, dans les rues de Saint-Denis.



à chemin de ceinture

Charles travaillait à Saint-Benoit, où il vit actuellement. Mais depuis la retraite, il vient ici, sur son bout de terrain à chemin de ceinture, pour faire pousser quelques légumes, des bananes, et nourrir ses poules. Il me montre fièrement sa récolte de safran, me fait goûter sa confiture de pamplemousse, et m’offre une petite citrouille du jardin. Un voisin repart avec une main de bananes et quelques brèdes. 

Sur son terrain, un temple tamoul en construction avec ses enfants. Ses journées ont l’air bien chargées pour un retraité. « Mais il faut bien ! Le Maïs ça pousse pas tout seul ! » Il m’explique sa jeunesse difficile, et les salaires envoyés à sa maman pendant plusieurs années. Entre deux bouffées de cigarette, ses histoires changent de direction sans cesse. Peut-être parce qu’on parle du tan lontan, et que les souvenirs ressurgissent au fur et à mesure. 


L’autonomie, il n’y croit pas trop. « Comment veux tu être compétitif ? Combien de temps pour récolter un bok de maïs ? Et combien d’argent dépensé ? Alors qu’on trouve la même chose pour dix fois moins cher au supermarché…» Puis il me raconte son enfance dans les hauts de dos d’âne. Ses parents allaient faire des plantations sauvages au bord des sources d’eau, et laissaient les graines se développer seules, en pleine forêt. Il trouve ça ingénieux avec le recul. Une forme d’autonomie finalement. Puis soudainement, il me lance « Tu veux voir mes poules ? ».